OGM : les études et le débat éludés

Publié le par webmasters94

«Pourquoi cherche-t-on tant à développer les OGM?  Est-ce vraiment une nouvelle révolution verte ou de la poudre aux yeux ?»
Après l'activation de la clause de sauvegarde, Pierre Rainelli, économiste et ancien directeur de recherche à l’INRA, critique, études à l'appui, la course à la productivité du
«complexe agro-industriel» français.
Il est  l’auteur de
L’agriculture de demain, gagnants et perdants de la mondialisation (2007, Le Felin).

Pierre Rainelli. «On vient de le voir, le débat sur les OGM reste dominé par les peurs et les réactions épidermiques. D’un côté, la peur de toucher au génome, de toucher à la vie. Les craintes pour la sécurité alimentaire ou la dissémination. De l’autre côté, la peur de
rater le train de la productivité, et de décrocher économiquement. J’ai écouté attentivement José Bové, et je constate qu’il n’aborde plus, ou très peu, le problème de la sécurité alimentaire, mais qu’il met en avant les problèmes environementaux. On a désormais plus d’éléments sur les conséquences d’une dissémination – notamment pour l’agriculture biologique d’avoir des gênes qui touchent les produits bio.
Mais les questions centrales sont souvent éludées. Pourquoi finalement cherche-t-on tant à développer les OGM? Est-ce que c’est un vrai progrès économique? Est-ce vraiment une nouvelle révolution verte ou de la poudre aux yeux ?»

« Les OGM sont d’abord l’affaire des pays riches. Plus de la moitié des plantes génétiquement modifiées se trouvent aux Etats-Unis. Devant l’Argentine et le Brésil. Une étude faite aux Etats-Unis, en 2006, pour le compte du ministère de l’Agriculture américain a révélé que l’introduction des OGM avait eu des conséquences mitigées pour les agriculteurs. Les producteurs de soja, seuls, y ont trouvé un gain de productivité. Concernant les pays en développement, les résultats positifs des premières années, semblent s’estomper les années suivantes. Une étude sur 481 paysans chinois menée en 2006 par l’université américaine Cornell en partenariat avec l’académie des sciences chinoise montre que l’utilisation du gêne Bt (qui contient un bacille toxique pour certains insectes) dans la culture du coton s’est avérée efficace les trois premières années. Les exploitants ont utilisé 70 % de pesticides en moins que leurs homologues conventionnels, et ils ont eu un revenu supérieur de 36 %. Par la suite, les utilisateurs de semences
Bt ont dû mettre autant de pesticides que les autres. Compte tenu du coût trois fois plus élevé des semences, leurs revenus ont finalement baissé de 8 % par rapport aux exploitants non Bt. Ces conclusions – sur des études limitées dans le temps - concernent les OGM de première génération, auxquelles vont peut être remédier les semenciers.

Par leur filiation chiraquienne, les agriculteurs ont été habitués à être entendu. Et il ne fait guère de doute qu’ils s’estiment trahis aujourd’hui par l’activation de la clause de sauvegarde. Pour eux l’urgence, c’est la productivité. Pourtant avec 22.000 hectares de champs de maïs OGM, on peut estimer à quelques centaines seulement les agriculteurs concernés. Mais c’est qu’au delà de ces derniers, les semenciers, les organisations agricoles, le secteur coopératif sont impliqués dans les OGM – en amont et en aval. On pourrait parler d’un complexe agro-industriel comme du complexe militaro-industriel… L’achat des semences et des produits phytosanitaires place, en outre, les producteurs en état de dépendance.

Peut être qu’au lieu de voir son avenir sur les marchés internationaux, de chercher à concurrencer l’Argentine ou les Etats Unis, l’agriculture française pourrait chercher un nouveau souffle dans les produits bio. Il faut trouver des raisonnements plus économiques
et plus prospectifs.»

Betapolitique | 6 février 2008 | Contre journal

Voir en ligne : OGM: les études et le débat éludés

Publié dans Ecologie

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