La vidéo qui tue

Publié le par webmasters94

Avec i>Télé, la chronique de Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction de Marianne.

« Il ne manquait plus que ça ! » Même les conseillers élyséens étaient effondrés hier, en prenant connaissance de cette « vidéo qui tue », selon le terme d'un sarkozyste. Cette vidéo, déjà visionnée par près d'un million de personnes où l'on voit le chef de l'Etat insulter un pékin qui refuse de le toucher pour, je cite, ne pas « être sali ». « Casse toi pauvre con », lui réplique Nicolas Sarkozy comme s'il était une racaille banlieusarde qui n'avait pas plaidé avant hier encore, avec une éloquence salutaire, pour la réintroduction de l'éducation civique, du respect et de la politesse dans les écoles. Le moins que l'on puisse dire, et ainsi s'en plaignent les élus UMP que j'ai contactés hier, c'est que le nouvel élu présidentiel ne faisait pas honneur à la fonction. « C'est indéfendable », s'exclamaient-ils, rageurs.

 

Les plus anciens se rappelaient que, confrontés à des situations aussi difficiles, d'anciens présidents avaient observé un comportement plus majestueux. Tel Jacques Chirac, qui avait été traité « de connard » par un individu à la sortie de la messe à Bormes-les-Mimosas. « Enchanté, lui avait répondu l'ex-chef de l'Etat. Moi, c'est Jacques Chirac… » La réplique très Cyrano de Bergerac peut être comparée à celle du Général de Gaulle qui, à un vibrant « mort aux cons », avait opposé cette réponse très inspirée : « Vaste programme… ».

Mais Nicolas Sarkozy, lui, au salon de l'agriculture comme au Guilvinec est demeuré au niveau de son interlocuteur, plus bas encore puisque celui-ci ne l'a pas verbalement insulté, même s'il a refusé le contact physique ce qui est une impolitesse vexante, une indélicatesse notoire pour le moins, envers un monarque républicain censé guérir les écrouelles. Mais le chef de l'Etat, en principe au-dessus de la mêlée, en a rajouté avec son « pauvre con », qui exprimait bien son exaspération, sa non maîtrise du moment, sa volonté d'en découdre y compris physiquement avec l'adversité.

Nicolas Sarkozy, super macho, a toujours été comme cela. La fonction suprême, hélas, ne l'a pas changé, regrette même le si modéré, si prudent Edouard Balladur qui a osé l'inviter « à plus de réserve et de retenue ». Quelle audace ! Autrement dit, même son ancien mentor l'admoneste, ce qui donne une idée de l'exaspération des autres élus devant ce personnage qui, toute sa vie comme il me le confiait, a refusé de se laisser marcher sur les pieds, a fait de l'agressivité adverse un défi, une force pour rebondir et aller toujours plus haut. Mais aujourd'hui, il est tout en haut ! Pourquoi se rabaisser ainsi ?

Certes, les sondages sont catastrophiques, et Nicolas Sarkozy dévisse comme Jacques Chirac en octobre novembre 1995. Certes encore, tout tourne mal et à l'aigre aujourd'hui, tout est devenu inaudible même ses interventions judicieuses comme sur la politique agricole commune. Certes toujours, au salon de l'agriculture, Nicolas Sarkozy n'était pas sur ses terres. Lui, l'homme de la banlieue chic n'a pas la main ni le contact avec les paysans qui lui ont toujours préféré Chirac.

Ces « ploucs » ne l'aiment pas et Nicolas Sarkozy n'aime pas qu'on ne l'aime pas. Il déteste même ! L'élection présidentielle ne l'a pas guéri de cette incapacité à supporter les manifestations de désamour, personnelles ou publiques. Certes enfin, assure un de ses proches, « Nicolas Sarkozy craint les attentats quand il est plongé dans une foule comme celle-là. Il est à cran, réagit au quart de tour, surréagit même ». Mais la première loi pour un élu politique c'est de « savoir ne pas entendre ce qui dérange ». A fortiori quand on est l'élu du peuple, le monarque républicain, oint du suffrage universel qui vous met hors d'atteinte de la bave du crapaud comme de l'hostilité du commun des mortels, ou même de sa familiarité. De Gaulle l'avait théorisé : « l'autorité ne va pas sans distance ni éloignement ». Les présidents d'avant n'étaient pas tutoyés. Ils étaient davantage protégés de semblables vulgarités par une aura invisible plus encore que par les barrières de sécurité. C'est cette rupture dans l'exercice de la fonction présidentielle que paie Nicolas Sarkozy. En la vulgarisant, il s'est exposé à la vulgarité et a provoqué un cycle infernal qui l'entraîne toujours plus bas. « On va perdre encore 10 points dans les sondages », prophétise, amer, un conseiller de l'Elysée. « Si seulement il pouvait se calmer, ajoute-t-il, se taire un peu, parler à bon escient ». Ca serait une bonne idée en effet s'il était président…

 

 

Lundi 25 Février 2008 - 11:51

 

Nicolas Domenach

 
 

Publié dans sarkozyte

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