En France on nettoie le Code du Travail

Publié le par webmasters94

Pendant les fêtes, François Fillon a lancé le ballon d'essai : et si l'attaqua contre les trente-cinq heures n'était que le cheval de Troie d'une remise en cause du Code du Travail ?

Le « travailler plus » si populaire pendant la campagne présidentielle prend un tour inquiétant. Tandis que le « gagner plus » qui l'accompagne se fait de plus en plus vaporeux, les velléités gouvernementales de révision du code du travail se précisent. Sous les feux de l'actualité : la lettre que François Fillon a fait parvenir aux partenaires sociaux, le 26 décembre, évoquant la possibilité de substituer aux trente-cinq heures comme durée légale du travail des « accords directs entre le salarié et son employeur en matière de durée du travail ». Interrogé mercredi matin sur France Inter, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, a fait connaître la position « unanime » des syndicats : c'est non. « On mesure bien les dangers de remettre en cause cette durée légale : c'est le déclenchement des heures supplémentaires, c'est l'absence d'un minimum de solidarité et de régulation », s'est-il alarmé. Pour l'instant, rien n'est joué : il ne s'agit que d'une volonté exprimée par le Premier ministre, et « cette lettre ne décide rien », comme l'a noté le porte parole Laurent Wauquiez sur France 2 et TF1. Mais la missive fillonesque s'inscrit dans un ensemble de dispositions et de propositions très cohérentes…

Le contrat plutôt que la loi
Certaines sont déjà actées, à commencer par le projet de refonte du code du travail, au motif de sa « simplification », entériné par le Parlement le 19 décembre. Le PCF, le PS et les Verts ont voté contre, et plusieurs syndicats (CGT, CFTC, FSU, syndicats de la magistrature et des inspecteurs du travail) s'y sont vivement opposés. Premier motif de colère : « simplifié », le code est passé de 1891 à 3652 articles et de 271 à 1890 subdivisions. « S'il s'agissait de rendre la loi plus accessible, c'est raté », commente Alain Vidalies, secrétaire national du PS aux entreprises. Plus grave, quelque 500 articles sont passés, lors de cette réécriture, de la partie législative, garantie par la loi, à la partie réglementaire, devenant modifiables par décret, sans débat. Pour Gérard Filoche, CGTiste militant et inspecteur du travail, il s'agit de « l'élément majeur », « cela traduit l'esprit de ce qui se passe en ce moment, c'est une remise en cause de l'ordre public social : la loi est effacée au bénéfice d'accords commerciaux et individuels ». Les excellents chiffres de la création d'entreprises (plus de 300 000 crées en 2007, notamment dans le domaine des services aux entreprises) lui donnent raison : d'ores et déjà, de plus en plus de gens quittent les bastions, encore protégés, du salariat pour devenir sous-traitants, free-lance ou micro-entrepreneurs, les accords de gré à gré avec des « clients » se substituant ainsi aux accords de branche avec un patron. Cet « esprit » menace de devenir la norme en s'appliquant aussi aux salariés.

Pas de droit, pas le choix
Au détour d'un article, la nouvelle mouture législative ouvre par exemple la voie au travail le dimanche, le posant comme « subordonné aux besoins du public ». « On nous dit que le travail le dimanche ne s'appliquera qu'aux salariés volontaires, mais on voit bien ce que cela va donner. Si c'est ça ou ne plus avoir de travail, tout le monde est volontaire », commente encore Alain Vidalies. Elle partage aussi les responsabilités en matière d'hygiène et de sécurité au travail entre l'employeur et le salarié, alors que jusque-là seul l'employeur en était responsable. Calée entre la loi sur le service minimum, « sans effet réel, mais tendant à produire des effet dissuasifs sur les grèves », selon Alain Vidalies, et les projets de contrat unique, d'annualisation du Smic et dénonciation des trente-cinq heures, cette refonte du code du travail pourrait n'être qu'une maille dans ce que ses détracteurs appellent désormais le « détricotage » des protections des salariés.

Travailler plus pour gagner moins
Pour s'y opposer, chacun fourbit ses armes. FO, la CGT, Sud, la CFTC et même la CGC sont montées au créneau pour fustiger « un recul social majeur ». Côté syndical, on pointe les contradictions : pourquoi permettre le rachat des RTT et la majoration de 25% des heures supplémentaires si ceux-ci sont amenés à disparaître en même temps que les trente-cinq heures ? « L'objectif est simplement de baisser les salaires, dénonce Gérard Filoche. On travaillera plus pour gagner moins, puisqu'il n'y aura plus d'heures supplémentaires ni de RTT, et donc plus de majoration. » Selon le JDD, le projet Fillon pourrait effectivement se réduire à un beau cadeau fait aux entreprises : « les heures effectuées au-delà de 35 heures resteront défiscalisées et exemptées de cotisations sociales (…) mais en fonction des accords, elles ne seront plus toutes payées avec 25% de bonus. » Côté PS, on met en avant l'accroissement de la concurrence entre les entreprises, tirant vers le bas les salaires et les conditions de travail. Elections municipales obligent, le stand by durera au moins jusqu'en mars prochain. Il devrait être suivi d'une sérieuse accélération du calendrier puisque, toujours selon le JDD, François Fillon envisage de faire passer sa réforme « avant l'été ». Question à mille euros : combien d'articles du Code du Travail peut-on casser en trois mois ?
 

Jeudi 03 Janvier 2008 - 06:00
A.B. - marianne2.fr
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