L’Elysée adopte Jean-Marie Colombani

Publié le par jean-do

En ce jour où les journalistes luttent pour leur indépendance (lire ci-dessous) est tombée cette étrange nouvelle : après Georges-Marc Benamou devenu conseiller de Nicolas Sarkozy, après Catherine Pégard passée du Point à l’Elysée et Myriam Levy du ­Figaro à Matignon, voilà que Jean-Marie Colombani (1), l’ex-patron du Monde, accepte une mission confiée par le président de la République.

Equation.  La mission ? Rien que de très honorable, puisqu’il s’agit d’adoption. L’Elysée a justifié le choix du journalistepar «son intérêt de longue date pour cette question» et «son expérience personnelle». En clair : deux des enfants de Jean-Marie Colombani ont été adoptés, ce qui semble suffisant pour en faire un spécialiste de la question. Il doit remettre son rapport avant la fin de l’année et tenter d’y résoudre l’équation complexe entre une très forte demande des parents et un nombre très bas d’adoptions ainsi que proposer un allégement des longues procédures.

L’ex-patron de l’un des plus grands quotidiens français en mission pour l’Elysée ? Voilà qui laisse songeur du côté du quotidien du soir. «L’adoption, c’est le bon côté de cette nouvelle, rigole (jaune) un journaliste, le mauvais côté c’est que c’est à l’Elysée.» Certains ne rient carrément pas du tout : «Sa place au Monde est à peine tiède qu’il se retrouve chargé de mission par l’Elysée ; certes, la cause est noble, mais ça pose évidemment la question de l’indépendance de la presse.» D’autres encore relisent son éditorial paru dans le Monde à la veille de la présidentielle où, se prononçant pour Ségolène Royal, Colombani estimait que la «puissance potentielle dans les médias» de Nicola s Sarkozy appelait à «une vigilance de tous les instants».

«Boules».  Des grincements de dents qui viennent s’ajouter à ceux, d’une toute autre nature, qu’on entend en ce moment au Monde. Evincé de la présidence du directoire du groupe en mai dernier (Libération du 26 mai), Colombani va officiellement quitter le Monde courant octobre. Depuis mai, il a retrouvé un statut de simple journaliste à ceci près qu’il a conservé les émoluements de sa précédente fonction : 400 000 euros par an. Et il reste, avant que Colombani tourne définitivement la page du Monde, à régler un petit détail, celui de ses indemnités. Considérant son ancienneté (trente ans) et son salaire actuel, il peut prétendre, selon la convention des journalistes, à une somme rondelette : entre 1,2 et 1,6 million d’euros ! Un chiffre qui irrite au Monde, où on n’a toujours pas digéré le chèque de 1,3 million d’euros encaissé en 2006 par Jean-Paul Louveau, ancien directeur général après seulement trois ans au journal. Raide. «On a les boules, soupire un journaliste, surtout quand on sait qu’en 2006, le Monde atteint péniblement un résultat d’exploitation de 4 millions d’euros et que Colombani nous a laissés avec un endettement monstre.» La Société des rédacteurs du Monde entend ferrailler afin de ramener l’indemnité de Colombani à 1 million d’euros. Au-dessus, explique-t-on à la rédaction, «c’est socialement inadmissible. Ça prouve bien qu’il fallait tourner cette page».

Accessoire.  Une page qui sera totalement tournée avec le départ d’Alain Minc. Les sociétés de personnel du Monde et Minc sont en effet en conflit depuis juin au sujet de sa reconduction à la tête du conseil de surveillance du groupe. Les belligérants sont en train de finaliser un accord. Alain Minc lâcherait les manettes d’ici au printemps 2008, le temps de trouver un successeur. Le conseil de surveillance qui se tient à la mi-octobre devrait annoncer son départ.

Quant au bureau de Jean-Marie Colombani, c’est désormais son remplaçant à la tête du groupe, Pierre Jeantet, qui en dispose. A un accessoire près : la pendule d’Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde, qui y trônait a été récupérée par Eric Fottorino, directeur du journal.

(1) Il n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

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