Rama Yade: « La France n'est pas un paillasson»

Publié le par webmasters94

NI BERNARD KOUCHNER ni Rama Yade n'assisteront ce soir au dîner donné par Nicolas Sarkozy à l'Elysée en l'honneur du colonel Kadhafi. A l'occasion de la Journée mondiale des droits de l'homme, la secrétaire d'Etat chargée des Affaires étrangères et des Droits de l'homme préfère participer au dîner de la FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme). Façon de bouder le Guide libyen, dont la visite lui inspire des sentiments mitigés.

Fallait-il recevoir Kadhafi aujourd'hui en France ?

Rama Yade. Je ne partage pas l'indignation automatique de ceux qui excluent tout dialogue avec la Libye. Mais je ne peux pas dire non plus que je suis heureuse de cette visite. Parce qu'elle coïncide avec la Journée mondiale des droits de l'homme. Le choix de cette date est un symbole fort, je dirais même scandaleusement fort. Il y a tellement de jours dans une année, pourquoi avoir choisi justement celui-là ?

« La France n'est pas qu'une balance commerciale »

Qui a choisi la date ?

Je ne sais pas. Ce doit être un oubli... Il serait indécent en tout cas que cette visite se résume à la signature de contrats ou... d'un chèque en blanc. Peut-on accorder une confiance absolue à celui qui demande d'être traité comme n'importe quel chef d'Etat et qui, avant même d'être arrivé sur le sol français, affirme que le terrorisme est légitime pour les faibles ? Notre pays ne tire pas seulement son prestige de sa puissance économique, mais aussi des principes et des valeurs qui font que la France est un pays semblable à nul autre. Le changement, oui, l'oubli, non. Nous n'avons pas non plus à le remercier d'avoir libéré les infirmières et le médecin bulgares, car ces gens étaient innocents. Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n'est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort. La seule façon de sortir par le haut, puisque maintenant Kadhafi accepte de rentrer dans le jeu international normal, c'est d'aller jusqu'au bout de cette démarche, en faisant en sorte que les droits de l'homme soient respectés dans son pays.

Que doit-il faire ?

Il y a des disparus dans son pays, dont on ne sait pas ce qu'ils sont devenus. La presse n'est pas libre. Des détenus sont torturés. La peine de mort a été supprimée pour les Libyens, mais elle est encore appliquée pour les Africains sub-sahariens. Un comble de la part de quelqu'un qui affirme être le champion des Etats-Unis d'Afrique ! Qu'il évite aussi toute provocation par rapport aux infirmières et au médecin bulgares. Sans oublier les gestes forts indispensables pour les 170 victimes de l'attentat du DC-10 d'UTA. La réintégration du colonel Kadhafi passe aussi par le respect des droits de l'homme.

Kadhafi demande réparation pour la colonisation...

Qu'il aille au bout de sa logique et accorde aussi réparation pour l'esclavage intra-africain, qui a des conséquences encore aujourd'hui sur les relations entre Etats africains du nord et du sud du Sahara.

« Il ne faut pas que Nicolas Sarkozy tourne le dos à la diplomatie des valeurs »

Ni Mitterrand ni Chirac n'ont reçu Kadhafi. Sarkozy l'accueille aujourd'hui. Ça ne vous gêne pas d'appartenir à ce gouvernement ?

Le Kadhafi d'aujourd'hui n'est pas celui de Mitterrand ou de Chirac. Il était alors complètement en marge du système international. Aujourd'hui, il a accepté de s'y conformer, notamment en renonçant au nucléaire militaire. Dont acte. Moi, ce qui me dérange, c'est qu'il arrive un jour de célébration des droits de l'homme. Je serais encore plus gênée si la diplomatie française se contente de signer des contrats commerciaux, sans exiger de lui des garanties en matière de droits de l'homme. C'est un devoir : la France n'est pas qu'une balance commerciale.

Les droits de l'homme sont malmenés ces temps-ci, entre les félicitations à Poutine, l'Algérie ou la Chine, où vous n'étiez pas...

Il est normal que la France parle à tout le monde. Elle a même le devoir de parler d'abord aux pays qui ne respectent pas les droits de l'homme afin qu'ils changent. D'autre part, une politique étrangère ne peut pas se fonder uniquement sur les valeurs. La France est une puissance, elle n'a pas à s'excuser de signer des contrats. C'est la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères qui vous le dit. Mais la secrétaire des Droits de l'homme est obligée de vous dire que cela doit se faire dans la décence.

Avec les félicitations de Sarkozy à Poutine, est-on dans la décence ?

C'est l'usage. Cela ne m'a pas empêché de dire au Sénat que nous étions inquiets et que toute la lumière devait être faite sur les soupçons de fraude. Mais ce coup de fil à Poutine, qui n'avait pas besoin d'être chaleureux, ne doit pas occulter les positions très fortes que Sarkozy a eues vis-à-vis des droits de l'homme en Russie.

Beaucoup de contrats ont été signés en Chine et peu de chose dites sur les droits de l'homme...

Je regrette de ne pas y avoir été.

Cela aurait-il changé quelque chose ?

C'est symbolique. Pourquoi cacher la secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme ? Il ne faut pas que Nicolas Sarkozy tourne le dos à la diplomatie des valeurs. Si on y met le couvercle, je risque le chômage technique !

Dans l'affaire de l'Arche de Zoé, une lettre ouverte d'Eric Breteau vous met en cause, disant que le Quai d'Orsay était informé de l'opération et l'aurait encouragée en sous-main...

J'ai du mal à y croire et ne sais quel crédit apporter à ces propos. Me concernant, il me reproche d'avoir fait capoter leur opération. C'est exactement ce que j'essaie d'expliquer depuis le début : de mon côté, tout a été fait pour que cette opération n'ait pas lieu ! Cela étant, je réfléchis à la création d'une mission, qui sera confiée à une personnalité, et qui aura pour rôle de faire le ménage parmi les ONG, notamment les petites, qui échappent à tout contrôle. La liberté d'association n'exclut pas un minimum de responsabilité.
 


Propos recueillis par Nathalie Segaunes et Henri Vernet  - lundi 10 décembre 2007 | Le Parisien



Rama, arrêtez d'avaler des couleuvres!.... et démissionnez!

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B
"la France n'est pas qu'une balance commerciale". "La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort." Rama Yade<br /> <br /> Une pratique de la diplomatie très éloignée des promesses de la majorité. Dans son programme pour les dernières législatives, l'UMP écrivait noir sur blanc sous le titre "Ne pas sacrifier l’homme à la mondialisation" :<br /> <br /> "Il ne peut pas y avoir de libéralisation des échanges avec des pays qui ne respectent pas des conditions minimales de dignité des salariés. Notre diplomatie doit être moins soucieuse d’attirer les faveurs de nos clients que d’assurer la rigueur de son éthique. Le prestige de notre pays n’y gagne pas, son commerce non plus. Les intérêts de notre balance extérieure ne justifient donc pas que nous soyons silencieux sur les atteintes aux droits de l’homme qui sont commises dans certains pays."<br /> <br /> Sans commentaires ! (Cent commentaires...!)
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A
Elle pourrait et sans doute devrait démissionner, mais au moins elle n'a pas parlé en C..s molles comme "Koukouch", donc acte.
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