«Cette présidence me fait penser aux Romains de la décadence»

Publié le par webmasters94

 

Arnaud Montebourg. Le député socialiste dénonce «l’absolutisme» de Sarkozy.
 
 
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Arnaud Montebourg, député socialiste de Saône-et-Loire, réagit aux vœux de Sarkozy. Et livre son diagnostic sur l’année 2008 qui verra le PS changer de premier secrétaire.

Que vous ont inspiré les vœux du Président ?

Nicolas Sarkozy a du bagout pour assurer le service après-vente de huit mois d’échecs. Pouvoir d’achat, croissance, dette, commerce extérieur, les résultats de son action ne sont en rien à la hauteur d’une «nouvelle Renaissance», mais plutôt ceux d’un Président de la poursuite du déclin.

Comment qualifiez-vous ses huit mois de la présidence ?

Le sarkozysme est un absolutisme. Le Parlement est devenue une chambre d’enregistrement purement formelle, comme sous Louis XVIII. Quant au gouvernement, il ne gouverne pas. C’est une équipe de figurants et de potiches. Martin Hirsch est opposé aux franchises, mais elles sont en vigueur. Fadela Amara trouve les tests ADN «dégueulasses», mais ils passent. Rama Yade explique que «la France n’est pas un paillasson», mais Kadhafi vient pourtant narguer la France. Les ministres agitent la marionnette. Cette présidence me fait penser aux Romains de la décadence. La classe dirigeante festoie pendant que le peuple peine à boucler ses fins de mois. C’est un spectacle à la Dallas, une série B de mauvais goût. Il y a une sorte de faillite morale : trahison des promesses électorales, injustices fiscales, fiasco diplomatique, abandon du plus grand nombre… Tout cela se paiera.

Aux élections municipales ?

Cela pourrait faire partie des motivations exprimées par les Français écœurés de certaines pratiques : félicitations à Poutine, révérence à Bush, tapis rouge à Kadhafi, obséquiosité devant l’argent-roi. Et pendant ce temps, on instrumentalise la vie privée pour faire diversion. Je m’interroge : la garde des Sceaux est-elle ministre ou mannequin de la maison Dior ? Les conquêtes du président finiront-elles au gouvernement ? La France est ridiculisée dans la presse européenne par le comportement de son président. La cinquième puissance mondiale mérite mieux.

Ne mérite-t-elle pas aussi mieux que le spectacle offert par les socialistes ?

Le PS est un parti qui ne travaille plus. Un parti nombriliste, replié sur lui-même et ses difficultés. Enfin, c’est un parti qui n’a plus de ciment, miné par la division entre écuries. Au fond, il y a plusieurs partis socialistes, qui font des choses semblables, mais concurrentes.

Quel remède préconisez-vous ?

Il faut avant tout se débarrasser du virus de la présidentialisation, en organisant à l’extérieur du parti, comme la gauche italienne l’a imaginée, une primaire lorsque nous aurons besoin d’un candidat. Mais nous n’avons nul besoin de désigner en 2008 un candidat pour 2012.

N’est-il pas encore plus dangereux de repousser l’explication qui se profile entre Royal et Delanoë ?

Commencer à reconstruire un parti multifracturé par une division fondamentale serait une folie. Cela nous achèverait. Il faut garder nos présidentiables au chaud pour ne pas les abîmer. Il faut une équipe de direction qui construira d’abord le nouveau PS, pour ensuite l’élargir au parti de toute la gauche, une sorte d’UMP de gauche…

Votre rapprochement avec les strauss-kahniens et l’aile gauche du PS a-t-il une cohérence politique ?

Nous sommes courageusement allés voir ceux que nous avions le plus fortement combattus, les amis de DSK, afin de rechercher les points de convergences. Nous avons signé un premier contrat de rénovation, avec une orientation politique claire et rassembleuse, notamment sur la mondialisation. Nous ne pouvons plus continuer à nous diviser en nous traitant les uns les autres de «sociaux libéraux» ou de «gauchistes archaïques».

Pourriez-vous être candidat au poste de premier secrétaire ?

La question se posera quand ce périmètre sera large, et sa vocation majoritaire assurée. Dans ce cadre, je ferai ce qu’on me demandera.

Vous qui avez défendu le non-cumul des mandats serez candidat aux cantonales en Saône-et-Loire. Comment vous justifiez-vous ?

Ce n’est pas un abandon. C’est un changement de pratique personnelle, et un changement de priorité. Ce qui est en jeu, c’est la crédibilité de la gauche et de ses dirigeants. Cette crédibilité est aussi importante que l’exigence du mandat unique. Elle ne se construira pas seulement grâce à des prises de position à la tribune de l’Assemblée. Nous sommes écartés du pouvoir depuis cinq ans, et pour cinq ans encore. Le problème n’est plus de se battre pour l’exemplarité à l’intérieur de la gauche, mais de vaincre la droite. Et nous avons besoin de forger des politiques innovantes, qui servent d’exemples de résistance face à l’absolutisme sarkozyste, et à préparer à l’alternance. Ce qui marche au plan local doit marcher au plan national.

Recueilli par DAVID REVAULT D’ALLONNES
LIBERATION : mercredi 2 janvier 2008
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