Pourquoi nous n'aurions jamais dû faire confiance à Sarkozy

Publié le par webmasters94

(in Rue89)

 

"Pourquoi il faut continuer à faire confiance à Nicolas Sarkozy", la tribune de Benoist Apparu, l'un des députés-blogueurs de Rue89, a suscité de vives réactions de la part des riverains. Parmi eux, Jérémie A. nous a envoyé cette réponse.

En mai 2007, au second tour des élections présidentielles, j'ai voté pour Ségolène Royal, comme 16 790 610 autres français. Je n'appréciais pas particulièrement Mme Royal, mais son programme me convenait bien plus que celui de son adversaire, M. Sarkozy. De plus, je dois avouer que j'exécrais M. Sarkozy comme rarement un politique par le passé.

Que ce soit ses discours, son programme, ses méthodes, son physique (c'est complètement stupide, je le sais) ou ses admirateurs, tout me révulsait chez cet homme.

Neuf mois plus tard, c'est pire. Tout ce qui me dégoûtait est toujours bien présent mais en plus il fait maintenant preuve d'une arrogance sans fin, ridiculise la France lors de ses interventions à l'étranger, se comporte comme un parvenu au mépris du respect de sa fonction et réussit, malgré tout, à bluffer une partie de la population qui croit toujours que cet homme pourra améliorer quoique ce soit en France.

Je vais maintenant tenter de condenser ce que j'ai retenu de son action depuis le 6 mai 2007.

  • "Nous avons réformé les universités" se targue un élu de la majorité. Il est plaisant déjà, de voir que ce banal député tente de nous faire croire qu'il a un autre rôle que d'obéir gentiment aux consignes transmises par son parti, consignes dictées, bien évidemment, par notre bien-aimé président. Mais donc, admettons, vous avez "réformé les universités". Je ne peux pas rentrer dans les détails mais franchement, je n'en serais pas fier.
  • "Nous avons exonéré les heures supplémentaires". Alors là, chapeau. Quel est le meilleur moyen de faire baisser le chômage? (à part truquer les stats, attention, certains ont pensé à voix haute) Bien évidemment créer un effet d'aubaine en rendant les heures supplémentaires plus attractives qu'une nouvelle embauche pour les entreprises. Où avais-je donc la tête?

    Notons aussi qu'avec la fin annoncée des 35h (certains iraient même jusqu'à parler de la fin de la durée légale tout court), le concept même d'heure sup' est assez déroutant. Ceci dit, je ne suis qu'un humble étudiant en école de commerce, je suppose que M. Sarkozy doit mieux connaître les réalités de l'entreprise.

  • "Nous avons négocié le traité simplifié." Il l'avait annoncé pendant sa campagne, on doit lui accorder cela. J'avais voté "oui" au référendum sur la constitution et je pense qu'il était important de faire passer ce traité; toutefois, sur la forme, il est clair qu'un nouveau référendum eut été souhaitable.
  • "Nous avons réformé les régimes spéciaux de retraite." Il me semble que certains ont été épargnés. Mais assez de mauvais esprit, je ne dois pas laisser mon bellicisme à l'encontre de pauvres députés qui font don de leur personne à la patrie entraver le cours de cet article.

    Concernant les régimes spéciaux, rares sont ceux qui critiquent cette réforme dans l'absolu. On a même vu des cheminots dire qu'il n'étaient pas contre en soi, mais qu'il fallait juste adapter un rien la mise en place du nouveau système. Je connais des gens qui sont rentrés à la SNCF pour bénéficier de ces avantages au détriment d'autres facteurs (salaire, horaires, mobilité...). Il eut fallut s'adapter.

    Cela dit, le problème de fond reste quand même que ne pas tenir compte de la pénibilité du travail est, selon moi, un défaut majeur de notre système actuel. Il me paraît logique que des individus travaillant dans des conditions difficiles puissent bénéficier d'une retraite antérieure à la normale. N'oublions pas que les ouvriers vivent moins longtemps et en moins bonne santé que les cadres.

    Petite suggestion: pourquoi ne pas charger une commission d'étudier les pratiques de certains autres pays européens en la matière afin de mettre au point un système de calcul des retraites qui prendrait en compte, entre autres, la durée de cotisation et la pénibilité des emplois?

  • "Nous avons supprimé les droits de successions." C'est beau. Voici un homme fier de favoriser les quelques minuscules pour-cents les plus riches de la population. On fait tellement peu pour eux. Rien à dire de plus, je trouve ça répugnant.
  • "Nous avons voté la loi anti-récidive." Et oui, un sans-abri qui prend de la prison ferme pour avoir volé un parapluie par effraction dans une voiture, ce n'est plus de la science-fiction.

    Bienvenue en France, pays où le président souhaite dépénaliser le droit des affaires (notons d'ailleurs les recommandations contraires d'une commission planchant sur le sujet) mais où les voleurs de parapluie remplissent des geôles déjà surchargées.

Notons quelques oublis notoires du brave homme venant à la rescousse de notre président mal-aimé:

Vous avez augmenté le bouclier fiscal, vous avez modifié la carte judiciaire, vous avez voté une loi permettant d'enfermer des individus ayant purgé leur peine afin d'éviter les crimes qu'ils pourraient commettre (venez nombreux à la projection de "Minority Report" à l'Assemblée nationale le 1er avril 2008), vous comptez permettre aux enseignants d'envoyer leurs élèves devant le juge, vous envisagez de rétablir le délit de vagabondage... J'en passe, et des meilleures.

Concluons sur notre président lui-même. Quel brave homme! Après avoir humilié d'anciens collaborateurs en nommant des personnalités de gauche au gouvernement (belle manoeuvre, cela dit), il n'a tout de même pas oublié de donner la légion d'honneur à des personnalités qui ont tellement fait pour la France, telles que François Pinault ou Isabelle Balkany. Peut-être que M. Bolloré sera lui-même bientôt nommé "Commandant de bord de la Légion d'Honneur"?

Une chose est sûre, nous ne serons jamais à court de surprise avec M. Sarkozy comme président! Est-ce une surprise si 22 ministres et sous-ministres sur 22 se présentent aux élections municipales alors qu'il n'y a pas six mois, M. Sarkozy critiquait le cumul des mandats?

Est-ce une surprise si un homme qui a écrit que la première valeur républicaine était le mérite doit maintenant défendre la devise "Liberté, égalité, fraternité"?

Est-ce une surprise si un homme que certains spécialistes diagnostiquent comme un paranoïaque doté d'un complexe d'infériorité dispose en permanence d'un moyen de déclencher une attaque nucléaire?

Nous pourrions aussi parler de laïcité, de promesses non tenues, de Francafrique, de procès à un média, de mariage, de la Lybie, d'élections à Neuilly, de SMS au cours d'une célébration, de favoris, de favoris tombés en disgrâce, de grève des taxis, d'enfant caché, de fils gâté et légèrement au-dessus des lois, de conflit d'intérêt... Il y a tellement à dire! Mais le temps manque, et je sens certains lecteurs avides de passer à l'article suivant.

Malgré tout, M. Sarkozy est notre président pour au moins quatre ans encore, nous ne pouvons qu'espérer qu'il lira et écoutera ses détracteurs, qu'il acceptera de ne pas forcément avoir toujours raison, qu'il réalisera qu'il ne peut tout connaître et qu'il n'y a aucune honte à cela, qu'il reliera la doctrine sociale de l'Église, qu'il laissera un peu de mou à ses ministres et ne tentera pas de toujours tout faire bref, qu'il changera son style présidentiel. En cas de besoin, il sait que nombreux sont ceux prêts à lui tendre une main secourable.

Jérémie A., étudiant en Ecole supérieure de commerce, résident de Neuilly sur Seine (et depuis longtemps), sale gauchiste (comme disent mes camarades), sale catho tradi (comme disent d'autres camarades).

P.S. à ceux qui ont voté pour M. Sarkozy et s'en mordent les doigts: fallait vous renseigner un rien, tout ce qui arrive était prévisible.

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