"En ce moment, certains marins ne touchent pas un euro pour une semaine de travail"

Publié le par webmasters94

LEMONDE.FR | 19.05.08 | 19h36  •  Mis à jour le 19.05.08 | 19h53

 

Pascal Guenézan, patron de chalutier, participe au blocage du port de La Rochelle. Lundi, le mouvement contre la hausse du gazole s'est étendu à de nombreux ports français, deux jours avant une réunion prévue avec le gouvernement.

 

Comment se traduit concrètement la hausse du gazole pour vous ?

 

Avec le gazole à 70 centimes d'euro le litre, ça représente entre 55 et 65 % du chiffre d'affaires de certains bateaux. Lorsqu'on fait nos semaines complètes, on dépense entre 10 et 11 000 litres. Il faut donc compter 7 000 euros minimum par semaine. S'ajoutent à cette somme, les charges patronales pour chaque homme, le remboursement des crédits sur l'achat des bateaux et le coût de l'armement (réparations, fournitures... ). Les matelots sont payés sur l'argent qui reste, et en ce moment, c'est minime...

Les rentrées sont aléatoires : les ventes dépendent des cours. Cela veut dire qu'une semaine, on peut bien vendre et bien gagner, et la semaine suivante avec la même qualité de pêche, on peut perdre 2 000 à 3 000 euros. Par contre, les dépenses restent les mêmes ! Parfois, on part travailler et on n'a aucune rentrée d'argent. En ce moment, vu le prix du poisson, on en est arrivés à un tel point que certains marins ne touchent pas un euro pour une semaine de travail.

 

Quel type de solutions attendez-vous ?

 Beaucoup commencent à le dire ici. On peut aussi réfléchir à changer le mode de pêche pour consommer moins de gazole. Nous, les chalutiers, nous travaillons 24 heures sur 24, nous consommons donc du gazole 24 heures sur 24. Il y a des navires – que l'on appelle les fileyeurs – qui posent leur matériel dans l'eau et reviennent les relever plus tard. Ils consomment très peu, quatre à cinq fois moins que nous. On pourrait donc se mettre à ce mode de pêche, mais cela voudrait dire changer tous les navires, donc trouver de l'argent et investir des sommes assez importantes. Et si ces bateaux consomment moins, ils ne pêchent pas non plus les même poissons. Le changement aurait donc un impact sur le type de poissons ou de crustacés vendus : la langoustine par exemple n'est pêchée que par les chalutiers.

  

Je navigue depuis vingt-neuf ans, je sais qu'il faut être prévoyant. Mais on est arrivé à un niveau jamais atteint, on ne peut plus joindre les deux bouts. Maintenant on veut du concret, du sûr, pas pour des mesures pour un mois. On ne veut pas avoir à recommencer dans quelques mois comme la dernière fois. Les promesses qui ont été faites n'ont pas été tenues.

 

Comment arrivez-vous à vivre aujourd'hui ?

Pensez-vous que votre façon d'exercer votre métier pourrait ne plus jamais être rentable ?On veut pouvoir partir en mer et que notre entreprise soit viable ! Si on obtenait une baisse du prix du gazole, ce serait déjà très bien. Mais en même temps, on voit bien que le prix ne cesse d'augmenter, donc je ne vois pas comment on pourrait obtenir quelque chose de ce côté-là. On risque de se retrouver régulièrement confrontés au même problème : des aides ponctuelles sauveront les entreprises pendant quinze jours, mais qui nous dit qu'on ne sera pas de nouveau dans la même situation dans un mois ? C'est aux gens qui sont au-dessus de nous de réfléchir et de trouver la bonne formule pour faire tomber les cours ! D'autres collègues proposent d'imposer un prix plancher sur le prix du poisson, mais il faut bien étudier la question. Est-ce vraiment une porte de sortie ? Il faut bien calculer, et ne pas faire n'importe quoi. Ce n'est pas sûr qu'on soit gagnant.

Propos recueillis par Aline Leclerc



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