Michel-Edouard Leclerc : ne lisez plus Marianne !

Publié le par webmasters94

Sur son blog, le co-président des centres E. Leclerc répond par avance à l'article que Marianne compte lui consacrer dans son prochain numéro. Si ce n'est pas du procès d'intention, ça y ressemble!




Une grande loi de modernisation de l'économie est actuellement en discussion à l'Assemblée nationale. Elle mobilise naturellement, du président de la République aux artisans, tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, sont concernés par la grande bataille du pouvoir d'achat. Sans grande originalité, admettons-le, Marianne a décidé d'analyser dans son prochain numéro les conséquences de ce texte pour les consommateurs.
Dans ce cadre, nous avons sollicité Michel-Edouard Leclerc, co-président des Centres E. Leclerc, acteur omniprésent du débat dans lequel il joue à la fois le rôle du commerçant et celui du défenseur de l'intérêt général. Hélas, comme à chaque fois que Marianne l'a sollicité, depuis la création du journal en 1997, ce grand professionnel des médias a refusé tout contact. «Un problème d'agenda», nous a indiqué son attachée de presse.
Manifestement, ce problème d'agenda ne l'empêche pas de répondre, par avance, à ce qu'il pense être l'objet de l'article et à caricaturer l'engagement de Marianne contre l'oligopole de la grande distribution. Ainsi «MEL» voudrait faire croire à ses lecteurs qu'il ne veut que du bien aux PME comme aux consommateurs et que l'économie relève de l'amour de son prochain et non du rapport de forces.
Mais avec cette guerre préventive, il engage les hostilités, et offre ainsi un visage moins séduisant, plus brutal, que lorsqu'il fait, à la télé ou à la radio, étalage de sa passion sympathique pour la bande dessinée. Ses salariés ne seront sans doute pas surpris. Ses clients, à coup sûr, gagneraient à mieux le connaître. A samedi !



Marianne et les hypermarchés : même pas la peine de lire…
Depuis sa création, l'hebdomadaire Marianne n'a jamais écrit une seule ligne qui puisse être mise au crédit des hypermarchés. Et certainement pas de mon groupement coopératif. Si les flèches décochées par François Darras, l'éditorialiste, visaient la pomme sur ma tête, il y a belle lurette que je n'en aurais plus (de tête).

Eh oui, Marianne mène une campagne systématique contre les grandes surfaces. Et ce, depuis l'origine. Le saviez-vous ? Cet objectif est même inscrit dans ses statuts fondateurs.

J'en ai récemment reparlé avec Jean-François Kahn, à un moment où il me trouvait quelques vertus (nous parlions littérature sur le plateau de Guillaume Durand) : « Oh, c'était moins une position contre vous et vos pairs qu'une défense du petit commerce et de nos terroirs ! ». En tout cas, François Darras, dans son dernier édito, confirme : « S'il y a un combat qui doit rassembler tous les citoyens et que i[Marianne mène sans relâche depuis sa naissance, c'est bien celui-là : s'opposer de toutes nos forces à ce cancer urbain qui détruit le lien social et tue à petit feu le commerce de proximité. »]i

Au moins n'ai-je plus besoin de lire les articles qui sont consacrés à la distribution, à mon groupe ou à son Breton d'animateur : «Il faudra bien un jour (lui) clouer le bec» dit François Darras en parlant de moi.

Je peux comprendre ce choix, qu'il s'agisse d'un engagement personnel ou même d'un parti pris éditorial. Au moins n'ai-je pas besoin de lire les articles qui sont consacrés à mon groupe ou à ma petite personne (je ne suis pas maso !).

Mais, quitte à toujours forcer le trait, Marianne pourrait faire un effort et éviter de reprendre à son compte les arguments des grandes multinationales. Voilà une alliance bien suspecte. Qu'on en juge.

Après avoir fustigé les marges arrière, l'opacité et la brutalité des relations industrie-commerce, voilà que Marianne s'oppose au retour à la transparence des prix et à la libre négociation des tarifs.
Que dit François Darras cette semaine ? Tout simplement, que le retour à la discussion des prix conduira à la faillite « quelque 10 000 PME de l'agroalimentaire et des centaines de milliers de salariés ». Oui, vous entendez bien l'argument opportuniste : hier, le système était pourri parce qu'il ne profitait pas aux consommateurs et aux PME. Maintenant qu'on veut le réformer, faut pas toucher…

Le sait-il seulement, François Darras, que les entreprises qu'il prétend défendre (Marianne au secours du bon capital, ouah !) discutent librement de leurs prix partout ailleurs en Europe et, même en France, quand il s'agit de vendre au secteur de la restauration, aux collectivités locales ou à l'industrie de transformation. Quand une PME française vend aux distributeurs allemands, italiens ou espagnols, croyez-vous qu'elle discute le prix d'une tête de gondole ou du coût d'accès aux linéaires. Non, bien sûr. On parle de prix, on achète, on n'achète pas, on discute les tarifs.

L'enjeu de la réforme actuelle, c'est l'alignement des pratiques commerciales françaises sur les pratiques européennes. Pourquoi ce qui marche bien ailleurs ne devrait pas fonctionner chez nous. A qui fera-t-on croire qu'il en résulterait dépôts de bilan et licenciements. Foutaises.

Je ne reproche pas à Marianne d'être contre les grandes surfaces. Je lui reproche d'être toujours contre. Hier, contre « les marges arrière qui profitaient aux grandes surfaces ». Aujourd'hui, contre « le retour à la liberté des prix qui ferait le jeu des grandes surfaces ». Hier, contre les prix trop chers, aujourd'hui contre le risque de baisse, etc.

Le poujadisme n'est pas l'apanage de la droite, et Marianne sait cultiver son fonds de commerce. « Etre contre », ça fait aussi vendre du papier !

P.S. : J'apprends que Marianne va publier dans son numéro du 24 mai « un portrait de 4 pages » de ma petite personne. Aie, je sens que ça va être ma fête. Il paraît que, pour ma défense, j'aurai le droit à une petite interview. Genre caution démocratique avant le tribunal révolutionnaire. On parie que je vais passer à la casserole ?
Michel-Edouard Leclerc
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Mercredi 21 Mai 2008 - 16:26
Daniel Bernard
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